« Les motos m’ont pris en chasse et percuté » : Valentin, 19 ans, blessé dans une manif à Paris


On a rencontré Valentin devant les marches de l’Opéra Bastille à Paris, au beau milieu de la manifestation du 23 mars. Béquilles en mains, cet élève en première année de BTS audiovisuel au lycée Suger, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), avait du mal à poser le pied gauche par terre. C’est son enseignante, Judith Bernard, par ailleurs animatrice du site de réflexion de gauche Hors-Série, qui l’a encouragé à parler.

On ne le savait pas, mais on savait déjà ce qui était arrivé au jeune homme de 19 ans. On n’y avait pas assisté directement, mais l’incident qui l’a blessé est relayé par une vidéo, filmée mardi 21 mars au soir, et qui a beaucoup circulé, propulsée par le site Révolution permanente.

On y voit, un peu indistinctement, un jeune homme courir pour fuir des policiers, se prendre les pieds dans un trottoir, puis être percuté, semble-t-il volontairement, par la moto d’un des policiers, qui lui roule sur la jambe. Valentin a été blessé : ecchymoses, suspicion d’entorse, énorme hématome sur la jambe, et huit jours d’incapacité totale de travail (ITT).

Le récit de Valentin, également publié par Libération, est celui d’un épisode de plus des violences policières qui ciblent depuis plusieurs jours les manifestantes et manifestants opposés à la réforme des retraites, qu’ils défilent dans les cortèges syndicaux ou lors de manifestations spontanées, en soirée, dans diverses villes de France :

 « Mardi soir, j’étais vers Bastille avec des copains, un groupe d’une vingtaine de personnes en tout. On ne commettait aucune dégradation, on criait juste des slogans. On s’est engagés dans une petite rue, vers la gare de Lyon, on croyait être seuls, et là, on a entendu le bruit des motos. Certains ont crié que c’était la BRAV-M [brigade de répression de l’action violente motorisée – ndlr], dont on avait entendu dire qu’elle se livrait à de la répression. On a eu peur et certains ont fait tomber des poubelles au milieu de la rue pour essayer de les ralentir.

C’est là que les motos m’ont pris en chasse. Le bruit était très impressionnant. J’ai couru, couru, j’avais l’impression de courir pour ma vie. J’ai trébuché sur un trottoir, et c’est là que la moto m’a percuté dans le dos. Je suis tombé, ma tête a heurté le trottoir et quand j’ai essayé de me relever, j’ai vu tout noir.

Quand j’ai rouvert les yeux, des policiers étaient tout autour de moi. Et là, j’ai entendu : “Défoncez-le.” Et ils m’ont roué de coups, à plusieurs. Après ça, ils m’ont remis debout et un policier m’a collé contre un arbre, en me disant : “Tu diras à tes amis qu’on ne rigole pas.” Et ils m’ont laissé partir.

C’était vraiment de la violence gratuite. Ils ne m’ont pas arrêté, pas dit que j’avais commis une infraction, rien. Ils voulaient seulement me menacer.

J’étais désorienté. Le monsieur qui a filmé la scène m’a donné de l’eau. Je commençais à avoir une parole un peu confuse, alors j’ai été pris en charge par un street medic. J’avais très mal à la jambe. Ils étaient inquiets, parce que j’avais des nausées et que mes yeux partaient vers l’intérieur, alors ils ont appelé les pompiers. J’ai été conduit à l’hôpital Saint-Antoine, et aux urgences, ils ont prévu de me faire passer un scanner, mais moi, je n’avais qu’une envie, retrouver mon amie et lui faire un câlin. J’ai signé un document pour dire que je souhaitais partir, et je suis monté dans un taxi.

Le lendemain, je suis allé à La Salpêtrière et ils m’ont délivré un certificat pour huit jours d’ITT [incapacité totale de travail – ndlr]. J’ai des ecchymoses en haut du dos, une grosse ecchymose sur le mollet gauche, et surtout un hématome de 56 centimètres de long derrière le tibia gauche. Un hématome de 56 centimètres ! Ce n’est pas normal… J’ai très mal à la cheville, je pense que c’est une entorse, je vais aller faire des examens complémentaires, et je dois encore faire ce scanner.

C’était vraiment de la violence gratuite. Ils ne m’ont pas arrêté, pas dit que j’avais commis une infraction, rien. Ils voulaient seulement me menacer et me dire de ne plus participer à des manifestations. Mais aujourd’hui je suis là, dans la rue.

On m’a expliqué que sur les images, on voit que la plupart des policiers ne sont pas de la BRAV-M, même s’ils sont à moto. J’ai passé tous les éléments à la “legal team” [des avocats qui se rendent disponibles pour assister les manifestants – ndlr], et ils m’ont expliqué à quel point les démarches pouvaient être décourageantes, qu’il était possible qu’il n’y ait aucune suite si je porte plainte. Je réfléchis encore. »

Interrogé vendredi midi par Mediapart, le parquet de Paris a indiqué qu’« en l’état, il n’y a pas d’enquête en cours », et qu’il n’y en aurait pas « sans plainte ou signalement ». « Nous avons bien vu la vidéo qui circule, mais nous estimons ne pas avoir d’éléments suffisants pour décider l’ouverture d’une enquête », indique-t-on au parquet.





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