Pour imiter Tik Tok, Instagram a juste fait un changement d’algorithme pour que
désormais se soit les contenus vidéos qui soient mis à l’honneur.
Le monde moderne le veut ainsi, il faut se montrer, se mettre en scène. Évidemment,
Photographes, peintres ou fripiers… certains créateurs, dont le gagne-pain dépend de
la plate-forme, n’arrivent plus à suivre.
« Mes meilleures photos, par le passé, touchaient facilement 3000 comptes;
aujourd’hui elles ne dépassent plus les 800 vues», regrette le photographe Mathieu
Pujol. « J’ai subi, moi aussi, une nette chute de visibilité, appuie le peintre Louis
Thomas. Comme absolument tous les artistes et artisans que je connais.»
Et oui, ce sont ces « Reels », vidéos courtes inspirées qu’Instagram, qui favorisent
de façon croissante, et qui occupent plus de place dans le fil des utilisateurs, au
détriment des photos.
Alors c’est peut-être un détail pour vous mais cela a des conséquences sur beaucoup
d’artiste et de créateurs.
Vivre de sa passion
Un rêve qui a grandit pendant le confinement et cette perte de sens dans beaucoup de
métier. La technologie a permis de mettre rapidement en place un profil et présenter
ses créations.
Mais voilà, c’était bien parti et d’un coup, comme le témoigne, désabusé « Mazière »
cingle : « Un changement d’algorithme, et hop, on n’existe plus. »
Pourtant en 2018, Alexia Guggémos déclarait : « Gare, au panurgisme et à
l’enfermement algorithmique ! « Les sujets les plus populaires sont systématiquement
mis en avant, admet-elle. Au risque de donner une image stéréotypée des tendances :
les visages générant 38% plus de “likes” qu’un paysage, ou les visuels à dominante
bleue l’emportant sur le rouge (+ 24%), ce sont les œuvres répondant à ces critères
qui pourraient ainsi jouir de plus de visibilité… Mais cela reste toutefois à prouver. »
Thomas Micaletto, qui travaille pour des artistes et institutions culturelles, estime «
autour de – 50 % ». Or « Instagram est le réseau de prédilection des artistes,
poursuit-il. Depuis six mois, ils cherchent donc désespérément à reconquérir leur
cœur de cible ». « Je me suis pas mal éloigné d’Instagram ces dernières semaines »,
soupire le photographe Mathieu Pujol.
Le plus dur, c’est pour les créateurs de vêtements sur mesure ou pour les fabricants
de meubles.
«Quand j’ai démarré mon activité, la progression était très bonne, témoigne la
fondatrice de la boutique de fripes Les Placards de Colette. Mais j’ai subi une énorme
chute de revenus. Je pensais en faire mon activité principale, elle sera seulement
secondaire et ponctuelle.»
Anne, qui coud des vêtements, a également subi une baisse des commandes : « C’est
très décourageant car ma vitrine principale, c’est mon compte Instagram, qui est très
chronophage.»
S’adapter pour survivre
« J’ai constaté qu’en recourant aux “Reels”, parmi d’autres bonnes pratiques, mon
compte Instagram continue de se développer », témoigne ainsi Nicolas, brocanteur et
restaurateur.
« Il faut compter une heure de travail contre quelques minutes pour une série de
photos », explique ainsi Anne.
Comme toutes choses cela demande des compétences, parfois, nouvelles qui se
marient mal avec certaines activités.
« C’est plus facile dans le cinéma, le théâtre, la littérature ou la musique », juge ainsi
Alexia Guggémos, journaliste spécialisée dans les questions de stratégie de diffusion
de l’art sur les réseaux sociaux. Mais elle précise que « chacun n’est pas apte à se
mettre en scène ».
Pas le premier changement
Pourtant les utilisateurs devraient avoir l’habitude. « Bien rares sont ceux qui sont
restés au sommet d’Instagram pendant dix ans », affirme ainsi Thomas Micaletto.
Il y avait déjà eu le changement sur le classement des publications, puis l’arrivée des
« story » pour faire comme Snapchat.
A force, on s’y perd
« Avant j’y trouvais de l’inspi pour mes photos, mais c’est terminé, tout ce que je vois
ce sont des copies de TikTok », tranche ainsi une utilisatrice d’Insta.
Mark Zuckerberg a déclaré « Nous subissons une concurrence renforcée. Les gens
ont de nombreux choix pour passer leur temps, et des applications comme TikTok
croissent très rapidement ».
Meta fait face à une grave crise qui fait douter de sa capacité à renouer avec les
croissances à deux chiffres. « Nous sommes optimistes sur le long terme », a t-il
tenté de rassurer, attribuant les problèmes principaux au contexte macroéconomique,
« pire qu’il y a trois mois ». Mark Zuckerberg a fixé comme objectif de faire grimper
sur Facebook la part des contenus sponsorisés de 15% actuellement à 30% d’ici à la
fin de 2023.
Copier, ça marche ?
Pas tout le temps, la preuve en chiffre :
Les utilisateurs d’ Instagram passent 17,6 millions d’heures par jour à regarder des
Reels, tandis que les utilisateurs de TikTok passent 197,8 millions d’heures par jour à
regarder des vidéos courtes sur l’application. Si on compare ces deux chiffres, il y a
donc globalement environ 10 fois plus d’heures passées chaque jour sur TikTok que sur
Instagram.
Un autre problème pour Meta (facebook-Insta) : de nombreux utilisateurs vont créer
leurs vidéos sur TikTok puis les publier sur Instagram (avec le filigrane TikTok !).
Ainsi, près d’un tiers des vidéos Reels ne sont pas natives à l’application et sont
conçues sur d’autres médias sociaux.
« La porte-parole de Meta, Devi Narasimhan, a déclaré que les données sur les heures
de visionnage étaient obsolètes et n’avaient pas une portée mondiale, mais elle a
refusé de divulguer d’autres chiffres. Elle a déclaré que l’engagement de Reels est
actuellement en hausse, d’un mois sur l’autre. »
« Nous voyons de bonnes promesses dans le déploiement de Reels, une bonne adoption
», a déclaré Justin Osofsky, directeur des opérations d’ Instagram, dans une
interview, tout en ajoutant : « Mais ceci étant dit, nous savons que nous avons aussi du
travail à faire ».